Depuis des siècles, on attribue aux femmes et aux hommes des caractéristiques et des rôles sociaux différenciés : les femmes ont été associées à la gestion du foyer et des enfants et à la sphère privée, tandis que la sphère publique était plutôt l’apanage des hommes. Ces rôles sociaux différenciés s’accompagnent d’un rapport de pouvoir favorable aux hommes.
Le Forum Vies Mobiles a voulu en explorer les conséquences sur leur mobilité à travers une revue de la littérature traitant de la mobilité des femmes. Ce travail s’appuie sur des références françaises et internationales.
D’abord, les femmes prennent encore en charge la majorité des tâches ménagères et familiales. En 2014, selon un rapport du Haut Conseil à l’Égalité femmes/hommes, elles réalisent 75% des accompagnements des enfants et des personnes âgées en France et prennent en charge 66% du temps consacré au travail domestique.
Cela a des conséquences sur leurs pratiques de mobilité, plus restreintes que celles des hommes et plus centrées autour du foyer. L’Enquête Nationale Mobilité et Modes de Vie montre que les femmes parcourent 25% de kilomètres de moins que les hommes par semaine.
Seconde conséquence des rôles sociaux différenciés attribués aux femmes et aux hommes, l’espace public a été pendant très longtemps la sphère des hommes. Encore aujourd’hui, les noms de rues, de stations de transports en commun ou encore de monuments célèbrent majoritairement des hommes. Les points de vue et expériences des femmes ont donc été moins pris en compte dans l’aménagement. L’espace public est également un lieu où les normes sexistes s’affichent à travers les publicités, affiches de films, unes de journaux qui instrumentalisent le corps des femmes et mettent en scène leur supposée hyperdisponibilité.
Ces éléments contribuent à rendre certains lieux publics hostiles pour les femmes. De fait, leurs déplacements sont souvent synonymes de sentiment d’insécurité. C’est notamment le cas pour les femmes jeunes et pour celles qui sortent le soir. Les femmes sont plus de deux fois plus nombreuses que les hommes à avoir peur dans les transports en commun.
Elles ont intégré un sentiment de vulnérabilité, souvent inculqué par l’éducation et les normes sociales qui le considèrent comme naturel. Les lieux déserts, mal éclairés, mal entretenus ou encore sans échappatoire sont particulièrement anxiogènes, en particulier la nuit. Ce sentiment d’insécurité est directement lié au harcèlement sexuel que les femmes peuvent rencontrer au quotidien dans l’espace public. 100% des femmes auraient subi du harcèlement sexuel dans les transports en commun au moins une fois dans leur vie.
La spécificité du harcèlement dans les transports est qu’il intervient dans un espace de transition et de mouvement. De nombreux auteurs et autrices considèrent que le harcèlement fonctionne comme des rappels à l’ordre donnant constamment l’impression aux femmes qu’elles ne sont pas tout à fait à leur place dans l’espace public, surtout à certaines heures.
Différences mesures de lutte contre le harcèlement dans les transports en commun ont également été mises en place dans différents contextes. C’est le cas notamment des voitures de métro réservées aux femmes, mises en place dans différentes métropoles dans les années 1990. S’il présente l’avantage de politiser le problème et de proposer des solutions aux femmes victimes, ce dispositif est aussi fortement décrié pour son caractère ségrégatif.
Les pouvoirs publics et les opérateurs de transports lui préfèrent souvent d’autres mesures, comme les campagnes de communication anti-harcèlement, qui ont le mérite de s’appuyer sur la prévention, mais peuvent également être controversées, comme l’illustre une campagne diffusée dans les transports franciliens en 2018 et présentant les agresseurs sexuels comme des prédateurs, rendant difficile l’identification des harceleurs avec une figure d’agresseur déshumanisée.
Leur implication dans la gestion du foyer et des enfants implique des pratiques de mobilité plus complexes que celles des hommes, accompagnées d’une charge mentale importante. Dans l’espace public, les déplacements de nombreuses femmes sont synonymes d’un sentiment d’insécurité et d’un risque de harcèlement sexuel. La mobilité constitue ainsi en quelque sorte un miroir des normes sociales qui régissent la société, mais elle contribue aussi à les entretenir.
Retrouvez ici la revue de littérature à télécharger : Mobilite-des-femmes 2023 1
La mobilité des femmes, une revue de littérature. (2023, 28 février). https://forumviesmobiles.org/recherches/15806/la-mobilite-des-femmes-une-revue-de-litterature?utm_source=NL_FR&utm_medium=email&utm_campaign=Mobfem